Le Canada devrait prendre des mesures spécifiques et concrètes pour garantir le respect des droits humains des peuples autochtones sur son territoire et dans le monde entier, note un nouveau rapport (en anglais) du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, M. José Francisco Calí-Tzay, basé sur sa visite au Canada au début du mois de mars 2023.
Le rapport attire l’attention sur le «racisme ancré, systémique et structurel» et met en lumière les graves violations des droits humains commises à l’encontre des peuples autochtones par les sociétés transnationales canadiennes.
Abus à l’étranger
«À plusieurs reprises, le Rapporteur spécial, ainsi que d’autres titulaires de mandat, ont exprimé leur inquiétude concernant les violations des droits humains commises à l’encontre des peuples autochtones par des entreprises canadiennes opérant à l’étranger», note le rapport.
«Les peuples autochtones touchés par les activités des entreprises canadiennes à l’étranger ont encore beaucoup de mal à accéder à des recours juridiques devant les tribunaux canadiens», écrit M. Calí-Tzay.
L’un des problèmes, selon le rapport, est que le gouvernement canadien «ne réglemente pas de manière exhaustive les activités des entreprises canadiennes opérant à l’étranger, en partant du principe que ce rôle relève principalement du pays hôte». Comme le RCRCE l’a noté à plusieurs reprises, les mesures volontaires qui se contentent d’encourager les entreprises à respecter les droits humains et l’environnement ne fonctionnent tout simplement pas.
Appel à l’adoption d’une loi sur de devoir de diligence raisonnable
Le rapport renforce la tendance mondiale des gouvernements à adopter des lois qui contraignent les entreprises transnationales basées dans leur pays à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement tout au long de leurs opérations et de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales. «Les pays d’origine doivent exiger de leurs entreprises qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains afin de garantir le respect des droits des peuples autochtones dans leurs chaînes d’approvisionnement. Ils doivent aussi adopter et appliquer des réglementations relatives à l’incidence sur les droits humains à l’étranger des activités des entreprises domiciliées chez eux», peut-on lire dans le rapport.
Plus de 50 000 personnes ont signé une pétition du RCRCE qui a été remise aux Membres du Parlement canadien en avril 2023, préconisant une législation portant sur la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits humains et d’environnement.
Critiques à l’encontre du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE)
Le rapport aborde les principales lacunes concernant le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE).
Le Rapporteur spécial a été informé que l’OCRE n’est pas indépendant du gouvernement du Canada, puisqu’il est situé au sein d’Affaires mondiales Canada, qu’il rend compte à la Ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, et que ses rapports ne sont pas publiés tant qu’ils n’ont pas été examinés par la Ministre.
Le rapport note également que l’OCRE a été critiqué pour l’absence de garanties essentielles, notamment :
- des mécanismes pour protéger les peuples autochtones qui déposent des plaintes contre des représailles ;
- des protocoles efficaces pour s’engager avec les peuples autochtones ;
- des politiques visant à garantir les analyses basées sur le genre et la sensibilité culturelle au cours des enquêtes ;
- des pouvoirs permettant de contraindre les entreprises canadiennes à produire des documents ou des témoins ; et
- des mécanismes de compensation efficaces.
Le rapport a également relevé une faiblesse essentielle de l’OCRE, à savoir que «l’ombudsman ne peut que faire des recommandations au gouvernement du Canada pour qu’il impose des conséquences aux entreprises qui ne respectent pas les droits humains, y compris la révocation de la promotion commerciale et du financement des crédits à l’exportation».
Principales recommandations
Le rapport recommande, entre autres, au Canada de :
- Reconnaître les obligations extraterritoriales en matière de droits humains des entreprises canadiennes opérant à l’étranger et veiller à ce qu’elles soient tenues responsables des violations des droits humains commises dans d’autres pays, y compris à l’encontre des peuples autochtones ;
- Adopter une législation sur la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement afin de contraindre les entreprises à prévenir de manière proactive les violations des droits humains, y compris les droits énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ;
- Mettre en place des mécanismes garantissant que le soutien gouvernemental aux entreprises, y compris le soutien politique et commercial des ambassades et le financement par l’intermédiaire d’Exportation et développement Canada, soit conditionnel au respect des normes internationales en matière de droits humains et d’environnement, y compris la Déclaration ;
- Réformer le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises afin de garantir son indépendance totale, renforcer son mandat en lui accordant des pouvoirs d’enquête complets, établir des garanties efficaces pour protéger les pétitionnaires autochtones contre les représailles et mieux faire connaître le mécanisme.
Le RCRCE est heureux de constater que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a reconnu un grand nombre des défis auxquels le Canada est confronté pour tenir les entreprises canadiennes responsables des violations des droits humains et des dommages environnementaux qui continuent de se produire dans le cadre de leurs activités et de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le RCRCE plaide pour que le Canada adopte des mesures contraignantes qui obligent les entreprises canadiennes à respecter les droits des peuples autochtones dans le monde entier, et estime que le principe du consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) est essentiel au droit à l’autodétermination des peuples autochtones.