Le mois dernier, deux projets de loi sur la reddition de compte des entreprises canadiennes ont été déposés à la Chambre des Communes. La grande importance de l’imputabilité des entreprises canadiennes a été soulevée dans les témoignages de trois défenseur.e.s des droits humains invités hier par le Réseau canadien pour la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) dans le cadre d’une table ronde virtuelle.
Des entreprises canadiennes aux réputations douteuses
Kalpona Akter, directrice du Centre de solidarité des travailleurs et travailleuses du Bangladesh (Dhaka, Bangladesh), le révérend Emmanuel Chikoya, secrétaire général du Conseil des églises de Zambie (Lusaka, Zambie), ainsi que Josefina Tunki, Présidente du Peuple Shuar Arutam (Sucúa, Équateur) ont tour à tour exposé la façon dont des entreprises revendiquant fièrement leur identité canadienne jouissent d’un déficit d’imputabilité criant à travers leurs chaînes d’approvisionnement mondiales, pouvant mener à des violations des droits humains et à une destruction environnementale.
En effet, les entreprises canadiennes sont plus que jamais imbriquées dans l’économie mondiale et entretiennent des chaînes d’approvisionnement tentaculaires afin de répondre à leurs besoins. Dans ce contexte, nombre d’entre elles commettent des abus et violations des droits humains – directement ou par le biais de leur sous-traitants – comme en font foi les nombreuses polémiques ayant marqué l’actualité au cours des dernières décennies : travail forcé (esclavage moderne) et travail des enfants, violations des droits des communautés locales (prédation des ressources naturelles, contamination massive des sols et des eaux, expropriation des terres, entraves à la syndicalisation, viols et menaces sur les populations qui s’opposent/résistent, assassinats de leaders sociaux et environnementaux, etc).
La protection des peuples et de la planète: un enjeu non négociable
Dans ce contexte, les membres du RCRCE appuient deux projets de loi d’initiative parlementaire, C-262 et C-263. Le projet de loi C-262 vise à reconnaître aux entreprises qui opèrent à l’étranger la responsabilité de prévenir, adresser et réparer les impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement. Le projet de loi C-263, quant à lui, vise à enfin donner à l’actuel ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) des pouvoirs réels pour enquêter de façon indépendante sur les allégations de préjudice.
Le Canada tire présentement de l’arrière alors que de nombreux pays ont déjà mis en place des lois pour reconnaître et protéger les droits humains et l’environnement, notamment la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. L’adoption de ces deux projets de loi (C-262 et C-263) constituerait une mise à niveau nécessaire avec les bonnes pratiques internationales. Comme l’explique Kalpona Akter, « Nos communautés ont vécu de grandes injustices et cette loi est un premier pas important pour contraindre les compagnies à respecter les droits humains et à protéger l’environnement à travers le monde ».
Une conversation qui doit aussi avoir lieu au Québec
Dans le cadre de sa campagne Les droits humains ne sont pas négociables, les membres québécois du RCRCE invitent toutes les parties prenantes (organismes de coopération internationale, universités, entreprises, chambres de commerces, syndicats, organisations sectorielles) à prendre part à la conversation et à sensibiliser leurs réseaux à la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement. Dans le contexte de crise sociale et climatique actuel, il existe un momentum politique reflétant un souhait collectif sans précédent pour l’amélioration des pratiques d’affaires à l’international, en faveur d’une transition vers une économie plus juste.
Liste des organisations signataires membres du RCRCE
Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
Fonds humanitaire des Métallos
Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises (RRSE)
Projet Accompagnement Québec-Guatemala (PAQG)
Comité pour le droits humains en Amérique Latine