Portail des membres    |

Étude de cas : Nygard International – Salaires et indemnités de départ non payés

[1] Il n’y a pas si longtemps, Nygard International, une entreprise privée fondée par Peter Nygard, était le plus grand producteur de vêtements de mode pour femmes au Canada avec des bureaux à Winnipeg, Toronto et New York. Les marques de vêtements de Nygard comprenaient des noms bien connus tels que Tan Jay, Alia et la gamme de produits Bianca Nygard, en vente dans les grands magasins et points de vente autonomes au Canada et aux États-Unis. En 2020, l’entreprise a déclaré faillite au Canada et aux États-Unis. [2]

Sommaire

  • En 2016, 208 ouvrier-ère-s de l’industrie du vêtement se sont soudainement retrouvés au chômage lorsque l’usine de tricots Chung Fai à Phnom Penh, au Cambodge, a fermé sans préavis.
  • Les travailleur-euse-s n’ont jamais reçu les salaires qui leur étaient légalement dus, ni les indemnités de départ et autres bénéfices légaux associés à la fermeture, leur causant de graves difficultés financières.[3]
  • Selon les dossiers d’importation et les témoignages des travailleur-euse-s, l’usine produisait des vêtements Nygard ; cependant, Nygard a nié toute relation avec l’usine et n’a assumé aucune responsabilité financière ou morale pour assurer que les travailleur-euse-s reçoivent ce qui leur était légalement dû.

Le contexte détaillé

Les salaires dans l’industrie mondiale du vêtement se maintiennent sous les seuils de pauvreté, malgré le prétendu engagement des marques à garantir que les travailleur-euse-s de leurs chaînes d’approvisionnement soient suffisamment rémunéré-e-s pour couvrir leurs besoins de base. Pour rendre cette situation encore pire, lorsque des travailleur-euse-s de l’industrie mondiale du vêtement sont licencié-e-s en raison d’une fermeture soudaine et sans préavis d’une usine, ils et elles se voient souvent nier les salaires qui leur sont légalement dus, ainsi que les indemnités de licenciement et autres bénéfices auxquels ils et elles ont légalement droit. Un tel « vol de salaire » résulte souvent des pratiques d’achat propres aux marques mondiales, et du fait que les marques ne paient pas suffisamment les usines qui produisent leurs vêtements pour couvrir les coûts de production. Cela amène les usines de fabrication à diminuer leurs dépenses, souvent au détriment des droits des travailleur-euse-s.[4] Étant donné les salaires déjà extrêmement bas, le non-paiement des bénéfices auxquels les travailleur-euse-s ont droit les laisse dans une situation financière désastreuse.

Les installations de sous-traitance non autorisées, monnaie courante au Cambodge, contribuent également au phénomène de « vol de salaire ». Les grandes usines, incapables de répondre aux exigences de production élevées des marques, font souvent appel à des installations plus petites pour aider à terminer le travail. En raison d’un manque de surveillance et de contrôle sur bon nombre de ces manufactures, des abus en matière de droits du travail, y compris le vol de salaire, se produisent fréquemment.[5]

En vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les marques qui s’approvisionnent à l’usine ont la responsabilité de prendre des mesures pour s’assurer que les travailleur-euse-s qui produisent leurs vêtements sont rémunéré-e-s de manière adéquate.[6] Le droit à un salaire viable, c’est-à-dire de pouvoir gagner suffisamment pour s’assurer un niveau de vie décent, est un droit humain fondamental.[7] Des études menées par le Worker Rights Consortium sur le non-paiement des indemnités de licenciement dans les secteurs du vêtement et de la chaussure démontrent que le fait de ne pas accorder une indemnité de départ suffisante, en particulier dans les pays qui ne disposent pas de filets de sécurité d’assurance-emploi, fait en sorte que de nombreux travailleur-euse-s ont peine à subvenir à leurs besoins de base, un problème mis en évidence par les fermetures d’usines causées par la pandémie de COVID-19.[8]

Malheureusement, malgré les engagements déclarés dans les codes de conduite de nombreuses marques pour garantir que les travailleur-euse-s de leur chaîne d’approvisionnement soient adéquatement rémunéré-e-s, les marques n’assument pas cette responsabilité, et aucune d’entre elles ne paie des salaires viables.[9]

Le 27 juin 2016, 208 ouvrier-ère-s du vêtement se sont soudainement retrouvé-e-s au chômage lorsque l’usine de tricots Chung Fai à Phnom Penh, au Cambodge, a fermé sans avertissement. Les travailleur-euse-s, dont 126 qui y travaillaient depuis plus de dix ans,[10] n’ont reçu ni leur salaire de juin ni aucun des paiements légalement requis[11] associés à une fermeture sans préavis en vertu de la loi cambodgienne.[12] Selon les dossiers d’importation et les témoignages des travailleur-euse-s, l’usine produisait des vêtements Nygard ; cependant, Nygard a nié toute relation avec l’usine et a refusé d’assumer la responsabilité de payer aux travailleur-euse-s ce qui leur était légalement dû. Les travailleur-euse-s n’ont donc jamais reçu leur pleine indemnisation.

Bien que le propriétaire de l’usine ait informé les travailleur-euse-s qu’ils et elles pouvaient vendre les actifs restants de l’usine en lieu et place du paiement, bon nombre des actifs les plus chers avaient déjà été liquidés, laissant une valeur inférieure à 10 %[13] du montant dû aux travailleur-euse-s. Pour tenter de protéger les actifs restants, les travailleur-euse-s ont organisé une vigile de 24 heures à l’extérieur de l’usine pour empêcher le retrait d’autres équipements. Ils et elles ont également déposé une injonction auprès du tribunal municipal de Phnom Penh pour s’assurer que le propriétaire de l’usine ne puisse enlever ou vendre le matériel restant dans l’usine. Une autre plainte a été déposée auprès du service de règlement des conflits du travail du ministère du Travail, qui a confirmé que les travailleur-euse-s avaient droit à divers paiements en vertu de la loi cambodgienne.[14] Cela a conduit les travailleur-euse-s à déposer une plainte officielle auprès du tribunal municipal pour recevoir leur dernier mois de salaire et leur indemnité de licenciement pour les années travaillées, soit un total de 550 000 USD pour l’ensemble des 208 travailleur-euse-s.

Toutefois, après plus d’un mois, le tribunal a fait part que l’audience préparatoire ne pouvait pas avoir lieu parce que l’usine était fermée et que le tribunal n’était pas en mesure de localiser le propriétaire, et qu’il incomberait d’abord aux travailleur-euse-s de tenter de le localiser.[15]

Les travailleur-euse-s ont organisé de nombreuses manifestations pour dénoncer la lenteur des procédures judiciaires et faire pression sur les trois marques présumées de s’approvisionner à l’usine, Nygard International et deux marques britanniques, Marks & Spencer et Bonmarché, pour qu’elles assument la responsabilité pour le non-paiement des travailleur-euse-s de la part de l’usine.

Ils et elles ont également sollicité le soutien d’organisations internationales de défense des droits du travail, notamment Clean Clothes Campaign, Labor Behind the Label, Workers United Canada et Maquila Solidarity Network, qui ont lancé une campagne mondiale.[16] Malgré cette pression continue et les lettres des travailleur-euse-s et des organisations de défense des droits du travail, les trois marques ont nié avoir une relation contractuelle directe avec l’usine de tricots Chung Fai et ont donc esquivé leur responsabilité de veiller à ce que les 208 travailleur-euse-s reçoivent ce qui leur était légalement dû.

Pour sa part, Nygard a contourné la responsabilité[17] du contrat de sous-traitance malgré les témoignages des travailleur-euse-s et les dossiers d’importation qui montraient que Nygard avait reçu 29 livraisons de vêtements de l’usine entre avril 2013 et avril 2016.[18] Les travailleur-euse-s se sont retrouvé-e-s avec de graves difficultés financières, souvent incapables de trouver un autre emploi, de payer un loyer ou des soins de santé, et beaucoup ont dû contracter des emprunts, accumulant des dettes.[19]

Qu'en serait-il si … ?

Si le Canada disposait d'une loi sur la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits humains, en quoi la vie et les moyens de subsistance de ces travailleur-euse-s cambodgien-ne-s seraient-ils différents?
  • Il serait plus probable que les travailleurs de l’usine Chung Fai Knitwear aient reçu les salaires et les indemnités qui leur sont légalement dus dès la fin de leur emploi, car Nygard aurait risqué d’être tenue pour responsable si elle n’avait pas assuré leur rémunération adéquate.
  • Si Nygard avait pris au sérieux la diligence raisonnable en matière de droits humains, l’entreprise se serait assurée que l’usine auprès de laquelle elle s’approvisionnait, ainsi que toutes ses installations sous-traitantes, respectaient les lois nationales et les droits internationaux du travail en matière de paiement des salaires et d’indemnités de licenciement. Si Nygard n’avait toujours pas pris ces mesures préventives importantes, l’entreprise aurait pu être tenue responsable devant un tribunal canadien pour que justice soit faite.
  • Le respect des normes fondamentales du travail, notamment la liberté d’association et la négociation collective (comme le préconisent les Principes directeurs de l’OCDE) renforcerait la capacité des travailleurs et des syndicats à s’enregistrer, à négocier des salaires justes avec les employeurs et à avoir accès à des procédures légales de règlement des griefs.
Comment ?

Les entreprises de vêtements comme Nygard seraient tenues de prendre le temps d’identifier et d’évaluer les risques en matière de droits humains, de prévenir et d’atténuer les impacts sur les droits humains et de rendre compte de la manière de traiter ces impacts tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.

  • Identifier et évaluer: Si Nygard avait entrepris une évaluation adéquate des risques, elle aurait identifié :
    • Le risque élevé que les travailleur-euse-s ne reçoivent pas ce qui leur est légalement dû.
    • Le risque que les pratiques d’achat de Nygard elles-mêmes minent la capacité des usines à payer les travailleur-euse-s en premier lieu.
    • Le risque bien documenté dans le secteur du vêtement que lorsqu’une usine ferme, les travailleur-euse-s se retrouvent souvent sans recours juridique effectif pour réclamer les salaires et avantages dus non payés, et donc incapables de répondre à leurs besoins fondamentaux.
  • Prévenir, atténuer, rendre compte: Nygard aurait pu prendre des mesures pour assurer le respect des lois nationales et des normes internationales relatives aux droits du travail en :
    • Veillant à ce que les usines où elle s’approvisionne aient des politiques et des pratiques qui protègent les travailleur-euse-s qui soient conformes au code de conduite de l’entreprise afin d’éviter les violations généralisées des droits du travail.
    • Démontrant que ses rapports annuels incluaient toutes ses usines et tous ses fournisseurs, des informations qui échappent souvent à tout examen public, empêchant ainsi les entreprises de rester délibérément ignorantes des abus.
      • Rendant compte des mesures prises pour s’assurer que le paiement adéquat des salaires et des avantages sociaux soit respecté dans ses opérations mondiales.
  • Les travailleur-euse-s auraient pu avoir accès à la justice :
    • Les syndicats, les organisations de défense des droits humains et/ou les travailleur-euse-s concerné-e-s auraient pu accéder à la justice et demander réparation. Ils et elles auraient pu poursuivre Nygard devant un tribunal canadien pour son prétendu manquement à prévenir les préjudices, obligeant l’entreprise à démontrer que ses mesures de diligence raisonnable étaient adéquates, et entraînant la possibilité qu’elle soit tenue responsable de ne pas avoir suffisamment tenu compte des risques pour les droits humains et prévenu les préjudices.

Notes

[1] Cette étude de cas décrit les allégations de violation des droits humains contenues dans des rapports de sources fiables accessibles au public. Le RCRCE n’a pas vérifié de manière indépendante les allégations contenues dans chacun des rapports cités ici.

[2] Porter, Catherine. For Peter Nygard, Alone and Jailed, Rags-to-Riches Story Turns Upside Down. New York Times. 21 janvier 2021. https://www.nytimes.com/2021/01/21/world/canada/peter-nygard-bail.html#:~:text=After%20federal%20authorities%20raided%20his,would%20follow%20any%20bail%20conditions Consulté le 15 août 2021.

[3] Clean Clothes Campaign. Chung Fair Knitwear Fty, Ltd Case Profile. ND. https://archive.cleanclothes.org/img/pdf/chung-fai-case-profile Consulté le 29 juillet 2021.

[4] Workers Rights Consortium. 2021. Fired then robbed: Fashion brands’ complicity in wage theft during Covid-19. Pp. 5-11. https://www.workersrights.org/wp-content/uploads/2021/04/Fired-Then-Robbed.pdf Consulté le 29 juillet 2021

[5]     Kashyup, Aruna. The Secret Underbelly of the Cambodian Garment Industry. Human Rights Watch. 24 octobre 2016. https://www.hrw.org/news/2016/10/24/secret-underbelly-cambodian-garment-industry Consulté le 5 août 2021.

[6]     Voir l’article 23(3) de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme stipulent que les entreprises ont la responsabilité de prendre au moins des mesures pour garantir que les travailleurs de leur chaîne d’approvisionnement reçoivent un salaire décent, en particulier lorsqu’elles s’approvisionnent sciemment dans des pays qui ne respectent pas les normes de salaire vital. Pour plus d’informations à ce sujet, consultez le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme. 2021. Vol de salaire et profits pandémiques : le droit à un salaire décent pour les travailleurs du vêtement. https://media.business-humanrights.org/media/documents/Unpaid_wages_v9.pdf Consulté le 15 décembre 2021; et The Circle. 2017. Fashion focus: The fundamental right to a living wage. https://www.thecircle.ngo/wp-content/uploads/2015/11/Fashion-Focus-The-Fundamental-Right-to-a-Living-Wage-1.pdf Consulté le 15 août 2021.

[7]     The Circle. Fashion Focus: A proposal for new EU Legislation on a living wage. Avril 2021. https://www.thecircle.ngo/campaigns/a-living-wage/ Consulté le 29 janvier 2022; Labour Behind the Label. Tailored Wages UK: The state of pay in the global garment industry. 2019. http://labourbehindthelabel.net/wp-content/uploads/2019/06/TailoredWagesUK-FP-updated.pdf Consulté le 29 janvier 2022; Labour Behind the Label. Tailored Wages UK: Are the big brands paying the people who make our clothes enough to live on? https://labourbehindthelabel.org/wp-content/uploads/2015/10/TailoredWagesUKweb_1.pdf Consulté le 29 janvier 2022.

[8]     Workers Rights Consortium. 2021. Fired then robbed: Fashion brands’ complicity in wage theft during Covid-19. p.7 Table 1. https://www.workersrights.org/wp-content/uploads/2021/04/Fired-Then-Robbed.pdf Consulté le 29 juillet 2021; Workers Rights Consortium. Wage Theft. https://www.workersrights.org/issues/wage-theft/ Consulté le 29 juillet 2021; et Workers Rights Consortium. 2013. Impact of Nonpayment of Severance on Families of PT Kizone Workers. https://www.workersrights.org/wp-content/uploads/2016/09/WRC-Memo-re-PT-Kizone-Update-3.26.13.pdf

[9]  Le Baron, Genevieve; Edwards, Remi; Hunt, Tom; Sempéré & Krytsis, Penelope. The Ineffectiveness of CSR: Understanding Garment Company Commitments to Living Wages in Global Supply Chains. Review of International Political Economy. Août 2021. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13563467.2021.1926954 Consulté le 4 novembre 2021. Voir aussi: Edwards, Remi; Hunt, Tom; LeBaron, Genevieve. Corporate Commitments to Living Wages in the Garment Industry. Mai 2019. Speri: Sheffield Political Economy Research Institute. http://speri.dept.shef.ac.uk/wp-content/uploads/2019/05/Corporate-Commitments-to-Living-Wages-in-the-Garment-Industry-SPERI-report.pdf Consulté le 4 novembre 2021.

[10]   Clean Clothes Campaign. Chung Fair Knitwear Fty, Ltd Case Profile. ND. https://archive.cleanclothes.org/img/pdf/chung-fai-case-profile Consulté le 29 juillet 2021.

[11]   Articles 73,75,89,90 du Code du travail Cambodien. Pour un résumé en anglais voir Workers Rights Consortium. 2021. Fired then robbed: Fashion brands’ complicity in wage theft during Covid-19. p.7 Table 1. https://www.workersrights.org/wp-content/uploads/2021/04/Fired-Then-Robbed.pdf Consulté le 29 juillet 2021.

[12]   Clean Clothes Campaign. Chung Fair Knitwear Fty, Ltd Case Profile. ND. https://archive.cleanclothes.org/img/pdf/chung-fai-case-profile Consulté le 29 juillet 2021.

[13]   Yanz, Lynda and Fowlie, Barry. Abandoned garment workers deserve justice from Nygard. Toronto Star. 23 juillet 2017. https://www.thestar.com/opinion/commentary/2017/07/23/abandoned-garment-workers-deserve-justice-from-nygard.html Consulté le 29 juillet 2021.

[14]   Voir Workers Rights Consortium. 2021. Fired then robbed: Fashion brands’ complicity in wage theft during Covid-19. p.7 Table 1. https://www.workersrights.org/wp-content/uploads/2021/04/Fired-Then-Robbed.pdf Consulté le 29 juillet 2021.

[15]   Clean Clothes Campaign. Chung Fair Knitwear Fty, Ltd Case Profile. ND. https://archive.cleanclothes.org/img/pdf/chung-fai-case-profile Consulté le 29 janvier 2021.

[16]   Maquila Solidarity Network. Join the global days of action against wage theft. 14 décembre 2017. https://www.maquilasolidarity.org/en/justice-nygard-ms-bonmarch Consulté le 29 juillet 2021.

[17]  Wells, Jennifer. The key to changing Nygard’s supply chain policy may lie with the consumer. Toronto Star. 18 juillet 2017. https://www.thestar.com/business/2017/07/18/the-key-to-changing-nygards-supply chain-policy-may-lie-with-the-consumer-wells.html Consulté le 29 juillet 2021.

[18]  Glowacki, Laura. Nygard ignoring social responsibility to Cambodian garment workers, union says. CBC. 10 août 2017. https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/nygard-cambodia-1.4242164 Consulté le 29 août 2021.

[19]   Clean Clothes Campaign. Demand justice for Chung Fai workers in Cambodia. https://archive.cleanclothes.org/action/archive/Chung-Fai Consulté le 29 juillet 2021.

Articles connexes

Retour en haut