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Présentation soumise au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de l’étude du projet de loi S-211 (novembre 2022)

NB: Voici notre mémoire en français et en anglais. Notre lettre d’accompagnement suit. Vous pouvez également le consulter en format PDF, en français et en anglais.

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Le 17 novembre 2022

Aux membres du comité,

Je vous écris aujourd’hui au nom des 40 membres du Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises (RCRCE) afin de vous exhorter à agir immédiatement pour mettre un terme aux sérieuses violations des droits de la personne qui se poursuivent dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes. Je souhaite également vous faire connaître la position de notre réseau à l’égard du projet de loi S-211 (Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travailforcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes), qui, dans sa forme actuelle, pourrait causer plus de tort que de bien. Selon notre analyse, tel qu’il est rédigé, ce projet de loi est si inefficace et potentiellement dommageable que nous recommanderions à la Chambre des communes de voter « non » s’il devait franchir l’étape de la troisième lecture.

Vous trouverez ci-dessous un résumé de nos préoccupations et propositions, que nous présentons en détail dans le mémoire ci-joint.

1. S’il veut vraiment s’attaquer aux préjudices causés par les entreprises, le Canada a besoin d’une loi adéquate

Pour s’attaquer véritablement aux pratiques préjudiciables dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes, la loi devrait, au minimum :

  • exiger que les entreprises préviennent les atteintes aux droits de la personne et exercent une diligence raisonnable;
  • faciliter l’accès des personnes et des travailleuses et travailleurs touchés à des mécanismes de recours;
  • s’appliquer à tous les droits de la personne, reconnaissant que ceux-ci sont indivisibles, interdépendants et interreliés.

2. Dans sa version actuelle, le projet de loi S-211 est inutile et potentiellement dommageable

Tel qu’il est rédigé, S-211 ne comprend aucun des aspects essentiels d’une loi efficace sur les chaînes d’approvisionnement. Il oblige seulement les entreprises à déclarer si elles ont tenté de repérer ou de prévenir le travail forcé et le travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. Il n’impose aucune conséquence pour ne pas tenter de repérer le travail forcé, ni pour faire recours au travail forcé.(1) Au mieux, ce projet de loi est inutile parce qu’il n’améliorera pas la situation des personnes lésées au sein des chaînes d’approvisionnement canadiennes. Au pire, il est dommageable parce qu’il donne l’apparence d’agir pour mettre fin à l’esclavage moderne, alors qu’il n’a aucun effet réel.

En outre, comme on sait déjà que les lois sur la déclaration de l’esclavage moderne sont sans effet, les entreprises canadiennes ne pourront profiter d’une diminution du risque d’atteinte à la réputation ni des règles du jeu équitables qui découlent d’une réglementation efficace, comme celles mises en place en France, en Allemagne et aux Pays-Bas.

3. Le Canada doit agir de toute urgence contre les violations des droits de la personne dans les chaînes d’approvisionnement canadiennes

Les chaînes d’approvisionnement et les activités commerciales du Canada à l’étranger sont associées à de graves atteintes aux droits de la personne et à des dommages importants à l’environnement dans le monde entier.

Voici des exemples d’allégations bien documentées :

  • Recours au travail forcé
    • Produits vendus au Canada résultant du travail forcé des Ouïghours en Chine
    • Équipements de protection individuelle importés au Canada de Malaisie
    • Produits agricoles cultivés au Québec
  • Blessures graves, morts et viols collectifs liés à des membres de services de sécurité et des forces policières
    • Cas rapportés dans des mines canadiennes en Tanzanie, en Papouasie-Nouvelle- Guinée et au Guatemala
  • Atteintes aux droits des travailleuses et travailleurs
    • Exploitation des travailleuses du textile durant la pandémie
    • Manque de prise en compte de la sécurité et de la santé de la main-d’œuvre dans les usines des fournisseurs (p. ex. les vêtements de marques canadiennes provenant des fabriques de vêtements de Rana Plaza)

Malheureusement, cette liste ne révèle pas toute l’ampleur des sévices infligés dans les chaînesd’approvisionnement canadiennes. Et pour empirer la situation, le Canada ne dispose pas de mesures adéquates pour mettre un terme à ces sévices ni pour aider les victimes à demander des comptes et à obtenir réparation.

4. Cet enjeu préoccupe la population canadienne et la communauté internationale

L’incapacité du Canada à réglementer, à enquêter et à garantir des recours aux victimes de préjudices nuit à sa réputation et l’empêche de respecter ses engagements internationaux en matière de droits de la personne. Cet échec a attiré l’attention d’organes de protection des droits de la personne des Nations Unies et d’organisations régionales en la matière (2), de communautés et de travailleuses et travailleurs du monde entier (3) ainsi que de Canadiennes et Canadiens d’un océan à l’autre (4). Alors qu’un nombre croissant de pays adoptent des lois sur la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de la personne et d’environnement, le Canada prend de plus en plus de retard.

Je vous remercie de votre attention. Je demeure à votre disposition si vous avez des questions ou souhaitez obtenir des renseignements supplémentaires.

Sincères salutations,

Emily Dwyer

Directrice des politiques, Réseau canadien de la reddition de compte des entreprises

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Notes

1. Le Canada a déjà adopté une interdiction aux importations liées au travail forcé. L’interdiction n’est pas respectée. Consultez notre mémoire pour plus d’informations.

2. Notamment, le Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme, le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité des droits de l’homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, ainsi que la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Rendez-vous ici pour en savoir plus.

3. Par exemple, cette lettre signée par 240 personnes provenant de 56 pays.

4. En 2009, plus de 500 000 cartes postales ont été envoyées aux parlementaires pour réclamer que les minières canadiennes violant les droits de la personne à l’étranger rendent des comptes. Plus de 80 000 cartes signées ont été remises aux députés pour réclamer la création d’un poste d’ombudsman pour le secteur extractif à l’étranger. Des dizaines de milliers d’autres Canadiennes et Canadiens ont participé à la campagne Une voix pour la justice en signant des pétitions, en envoyant des lettres et en prenant part à des rencontres avec leur député organisées par le RCRCE. Récemment, l’organisme Développement et Paix, qui est membre du RCRCE, a recueilli 25 000 signatures dans le cadre de sa campagne Les gens et la planète avant tout.

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