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Foire aux questions : Législation concernant le respect des droits humains et de l’environnement au Canada

En réaction aux rapports qui révèlent des préjudices importants liés aux opérations et aux chaînes d’approvisionnement d’entreprises canadiennes dans le monde, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) a élaboré, pour adoption au Canada, une législation modèle sur la diligence raisonnable des entreprises en matière de droits humains et d’environnement. Le modèle du RCRCE vise à rendre exécutoire par la loi ce qui est attendu de longue date : que les entreprises se doivent de respecter les droits humains et l’environnement à l’étranger. Ce document répond à certaines des questions les plus fréquemment posées sur la législation modèle proposée par le RCRCE.

Le projet de loi C-262, introduit récemment au Parlement, contient tous les éléments de la législation modèle du RCRCE présentés ici.

1. Pourquoi avons-nous besoin d’une telle loi au Canada

Même si le gouvernement canadien est au courant depuis des décennies des violations des droits humains et des dommages environnementaux provoqués par les entreprises canadiennes et leurs chaînes d’approvisionnement à l’étranger, il continue de ne compter que sur des mesures volontaires de la part des entreprises pour les encourager à adopter une conduite responsable. L’expérience démontre que ces mesures sont inefficaces. Les entreprises continuent de tirer profit des préjudices qu’elles provoquent par leurs propres opérations ou auxquels elles contribuent par le biais de leurs chaînes d’approvisionnement. Il est de plus en plus clair que seule la loi pourrait les obliger à changer leur comportement.

2. Qu’est-ce que la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement?

La diligence raisonnable en matière de droits humains est un processus mis en œuvre par une entreprise pour prévenir et contrer les incidences négatives sur les êtres humains et les communautés provoquées par ses opérations et ses chaînes d’approvisionnement. La diligence raisonnable correspond à une évaluation rigoureuse des risques de préjudices, à faire le nécessaire afin de minimiser ces risques, à remédier à toute atteinte existante et à rendre compte des mesures adoptées. Afin que les mesures prises soient efficaces, une entreprise doit s’engager à exercer une diligence raisonnable en matière d’environnement en contrant tout préjudice écologique qui porterait atteinte aux droits humains – y compris le droit à un environnement sûr, sain et durable. Puisque la loi proposée par le RCRCE protégerait explicitement ce droit, nous y faisons référence en tant que loi sur la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement.

3. En vertu de la loi, à quoi les entreprises seraient-elles tenues ?

La loi obligerait les entreprises à prévenir et contrer les atteintes aux droits humains par l’élaboration et la mise en œuvre de procédures de diligence raisonnable. Ces mesures remédieraient aux incidences négatives à l’extérieur du Canada des activités de l’entreprise, de ses associés et de ses autres partenaires d’affaires. Elles contreraient les préjudices provoqués par les sous-traitants et les fournisseurs qui, par exemple, fabriquent des produits ensuite importés au Canada. Les entreprises seraient tenues de consulter les titulaires de droits et de faire rapport chaque année des mesures en place.

4. De quelle façon cette législation pourrait-elle aider les gens qui subissent des préjudices provoqués par les entreprises canadiennes à l’étranger et prévenir d’autres abus?

La loi établirait le droit explicite aux gens ayant subi des préjudices de la part d’entreprises canadiennes à l’étranger d’avoir accès aux voies de recours pour intenter une poursuite civile devant les tribunaux canadiens. Le tribunal pourrait ordonner à une entreprise de cesser ses activités préjudiciables ou de verser des compensations aux victimes. Le risque de poursuites en justice constituerait un puissant incitatif pour les entreprises de s’assurer en priorité que les gens sont à l’abri de préjudices. En outre, l’obligation de consulter les titulaires de droits sur une base régulière encouragerait fortement les sociétés à repérer les risques et à prendre des mesures efficaces de prévention.

5. Quelles sont les entreprises qui seraient visées par la loi modèle ?

 la législation modèle du RCRCE s’appliquerait aux entreprises constituées au Canada; qui ont un établissement commercial au Canada, ou qui vendent des biens ou des services au Canada et occupent une présence physique au Canada ou qui réalisent des opérations commerciales au Canada. Le modèle du RCRCE permettrait aux petites entreprises dans les secteurs à faibles risques d’être exemptées par voie réglementaire.

6. Est-ce que des lois semblables existent dans d’autres pays ?

La France, l’Allemagne et la Norvège ont adopté des lois qui imposent aux entreprises une diligence raisonnable en matière de droits humains. La loi française du « devoir de vigilance » fut la première loi de ce genre à entrer en vigueur. Elle oblige les entreprises à établir, à mettre en œuvre et à faire rapport annuellement d’un plan de vigilance qui doit inclure des mesures de prévention des préjudices. La loi permet également aux personnes qui ont subi des préjudices d’intenter une poursuite au civil pour réclamer des dommages-intérêts à une entreprise qui a failli à ses obligations. Plusieurs autres pays, dont les États-Unis, se penchent actuellement sur des lois semblables. Pour en savoir plus sur les exemples européens, veuillez consulter ce tableau (en anglais) de la Coalition Européenne pour la Responsabilité Sociale et environnementale des Entreprises (ECCJ).

7. Est-ce que les personnes ayant subi des préjudices de la part d’entreprises canadiennes à l’étranger peuvent aujourd’hui obtenir justice devant les tribunaux canadiens ?

Des personnes ont intenté des poursuites au Canada pour obliger des entreprises canadiennes à rendre compte de violations des droits humains commises à l’étranger. Il existe néanmoins des obstacles significatifs dans ce genre de litige. Les victimes peuvent faire face à des années de batailles juridiques ne serait-ce que pour établir le fait que l’affaire devrait être entendue au Canada. Les tribunaux sont généralement réticents à tenir une société mère canadienne responsable des préjudices provoqués par une filiale à travers laquelle elle opère à l’étranger. La loi proposée par le RCRCE abolirait ces obstacles et faciliterait l’accès à la justice pour les victimes.

8. Ces victimes ont-elles d’autres recours pour demander réparation au Canada?

Le gouvernement du Canada dispose de deux bureaux de réception des plaintes et de médiation auxquels les personnes lésées par les activités d’entreprises canadiennes à l’étranger peuvent faire appel. En théorie, l’un ou l’autre de ces bureaux peut encadrer un processus de médiation dans lequel l’entreprise accepte de prendre, sur une base volontaire, les mesures correctives qui s’imposent. En pratique, un tel résultat n’a que rarement été atteint dans les cas traités par le Point de contact national (PCN), mis en place il y a plus de 20 ans. Les collectivités et les travailleurs ont découvert que les plaintes au PCN n’ont pas amélioré leur situation et l’ont même parfois aggravée. Le récent Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) ne dispose pas des pouvoirs minimums de base pour accomplir son travail. Les collectivités affectées ont été avisées de s’adresser au Bureau avec réserve, si malgré tout elles se décident à le faire.

9. Comment la loi serait-elle appliquée ?

La loi modèle du RCRCE établirait le droit aux personnes subissant des préjudices d’entamer des poursuites civiles devant un tribunal canadien. Le tribunal pourrait ordonner à l’entreprise de cesser ses activités préjudiciables, de verser des compensations aux victimes ou de prendre toute mesure requise pour prévenir les préjudices ou remédier aux torts qui découlent de ses propres activités ou de celles de ses filiales, de ses sous-traitants ou de ses associés. Une personne intéressée ou une partie intéressée (p. ex. un organisme) pourrait demander un ordre similaire du tribunal si une entreprise canadienne omet de développer, d’implanter et de rendre compte de sa procédure de diligence raisonnable. Une entreprise peut toutefois se défendre contre un tel ordre en démontrant qu’elle a mis en œuvre des procédures efficaces de diligence raisonnable.

10. En vertu de cette loi, est-ce que les entreprises canadiennes pourraient être poursuivies au criminel pour violation des droits humains liée à leurs opérations à l’étranger ?

Non. L’obligation pour les entreprises de prévenir la violation des droits humains ne serait appliquée que s’il y avait des poursuites civiles au Canada. Ces poursuites peuvent être intentées par des gens affectés par les activités commerciales, les relations des entreprises canadiennes ou par d’autres parties intéressées qui agiraient en leur nom, par exemple des organismes partenaires.

Certaines violations des droits humains sont considérées comme des infractions criminelles. Rien dans la législation n’empêcherait une victime de crime de chercher à faire appliquer le droit criminel. Les poursuites pour des crimes commis par des sociétés, spécialement les crimes transnationaux, demeurent difficiles et sont plutôt rares. La législation ne remédierait pas à ces problèmes.

11. Comment la législation modèle du RCRCE est-elle différente des mesures législatives sur l’esclavage moderne actuellement à l’étude au Sénat ?

La loi canadienne sur l’obligation de faire rapport sur l’esclavage moderne (projet de loi S-211) ne force pas les entreprises à cesser d’avoir recours au travail d’enfants ou au travail forcé ni d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits humains. S’il est adopté, le projet de loi S-211 obligerait les entreprises à ne rendre compte que des mesures, si même elles existent, prises afin de prévenir et réduire les risques de travail forcé ou de travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. La législation sur les chaînes d’approvisionnement devrait porter sur la prévention et remédier aux préjudices et non n’exiger que des comptes rendus. Le projet de loi S-211 comporte des lacunes, car la loi ne s’appliquerait qu’à une petite minorité d’entreprises, qu’elle ignore les violations les plus flagrantes des droits humains et qu’elle rate sa cible en n’insistant que sur la production de comptes rendus.

En revanche, la législation modèle du RCRCE obligerait les entreprises à prévenir les violations des droits humains, y compris celles provoquées par les dommages environnementaux entraînés par leurs opérations et chaînes d’approvisionnement mondiales. La législation permettrait d’atteindre ces objectifs en forçant les entreprises à élaborer et à mettre en œuvre des procédures adéquates de diligence raisonnable en matière de droits humains, à consulter les titulaires de droits et à produire annuellement des comptes rendus.

12. De quelle façon cette législation viendrait-elle compléter des pouvoirs accrus du Bureau de l’ombudsman canadienne de la responsabilité des entreprises ?

Les personnes qui subissent des préjudices de la part d’entreprises canadiennes devraient avoir accès à la fois à des mécanismes extrajudiciaires et aux tribunaux. Le processus de plaintes auprès d’une ombudspersonne possédant pleine autorité peut être rapide, abordable et offrir aux communautés touchées un plus grand pouvoir d’agir, mais les entreprises n’ont aucune obligation d’appliquer les recommandations de l’ombudspersonne. La loi proposée par le RCRCE viendrait compléter le pouvoir extrajudiciaire de l’ombudspersonne en obligeant les entreprises à prévenir en priorité les violations des droits humains et les dommages environnementaux. De plus, elle aiderait les gens lésés par des entreprises canadiennes, leurs filiales ou leurs sous-traitants à accéder à la justice devant les tribunaux canadiens.

13. Pourquoi cette loi ne s’applique-t-elle pas aux impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement provoqués par les sociétés au Canada ?

Les abus commis par les entreprises se produisent à la fois à l’extérieur et à l’intérieur des frontières canadiennes. Les personnes affectées au Canada peuvent elles aussi éprouver des difficultés à accéder à des recours et à la prévention de préjudices. C’est particulièrement le cas au sein des collectivités des Premières Nations, des défenseurs de l’environnement et des travailleurs migrants. Cependant, leurs problèmes peuvent s’avérer différents par leur nature et leur envergure de ceux des personnes qui cherchent réparation pour des préjudices subis en dehors du Canada.

La constitution canadienne accorde aux gouvernements fédéral, provincial et territorial les compétences juridiques pour réglementer différents types d’activités. Une loi qui vise les abus des entreprises canadiennes à l’étranger relève, en vertu du principe de répartition des pouvoirs, du niveau fédéral. Il est probable qu’une loi fédérale qui obligerait les entreprises à exercer une diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement au Canada ferait l’objet d’un défi constitutionnel qui ralentirait son application ou même compromettrait complètement son élaboration.

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