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Résumé exécutif : Loi concernant le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises à l’étranger

Projet de loi modèle du RCRCE sur la diligence raisonnable en matière de droits humains

Mai 2021

Introduction

Depuis plus d’une décennie, on s’attend à ce que les entreprises canadiennes respectent les droits humains tout au long de leurs opérations mondiales. La législation modèle sur la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement développée par le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises (RCRCE) transformerait cette attente en une exigence exécutoire.

Le but de cette loi est d’éviter, de prévenir et de remédier aux incidences négatives sur les droits humains associées aux activités commerciales à l’étranger des entreprises liées au Canada. La loi créerait une obligation pour les entreprises de prévenir les préjudices et de mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable en matière de droits humains. Elle prévoit également la responsabilité – et l’accès à des voies de recours – si une entreprise manque à ces obligations.

Il est urgent d’adopter une telle loi au Canada. Trop souvent, les entreprises ne s’acquittent pas de leur responsabilité de respecter les droits humains. Dix ans après l’approbation unanime des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (UNGP), on continue de faire état de nombreuses violations des droits humains et de dommages environnementaux liées aux opérations à l’étranger des entreprises et des chaînes d’approvisionnement canadiennes. Les communautés et les travailleurs qui subissent des préjudices sont souvent incapables d’accéder à des voies de recours et à des mesures de réparation. Les défenseurs des droits humains et de l’environnement qui s’opposent aux puissantes entreprises sont fréquemment confrontés à la violence, à l’intimidation ou à la criminalisation. Les risques et les vulnérabilités auxquels ils sont confrontés se sont aggravés avec la crise sanitaire mondiale du COVID-19.

À l’heure actuelle, les entreprises peuvent éviter de s’acquitter de leur responsabilité de respecter les droits humains parce que les règles contraignantes n’existent pas, ne sont pas appliquées ou parce que les entreprises structurent leurs opérations mondiales de façon à éviter toute responsabilité. Cette législation changerait la donne.

L’incapacité du Canada à réglementer et à garantir l’accès à des voies de recours pour les préjudices associés aux activités commerciales canadiennes à l’étranger est incompatible avec les obligations internationales du Canada en matière de droits humains. La Loi concernant le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises à l’étranger contribuerait à répondre aux trois piliers du cadre « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies. De plus, ce projet de loi aidera le Canada à rattraper l’élan international croissant vers des lois complètes sur la diligence raisonnable en matière de droits humains. Cet élan découle de la reconnaissance par d’autres économies avancées que les mesures volontaires à elles seules sont insuffisantes et que des mesures significatives pour lutter contre les malversations des entreprises sont essentielles pour la prospérité et la durabilité à long terme.

Plusieurs juridictions européennes ont adopté ou envisagent une législation complète sur le devoir de diligence en matière de droits humains, notamment la législation française de 2017 sur le Devoir de vigilance et la résolution de 2021 de la Commission européenne étayant sa future législation sur le devoir de diligence en matière de droits humains.

Le moment est venu pour le Canada d’établir des règles exécutoires par voie législative. Cette loi fournit au gouvernement un plan pour y arriver.

Le plan comporte trois piliers :

  1. Établir une obligation pour les entreprises de prévenir et d’éviter les incidences négatives sur les droits humains
  2. Établir une obligation pour les entreprises d’élaborer, de mettre en œuvre et de rendre compte de procédures adéquates de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement
  3. Garantir l’accès à des voies de recours et le respect des obligations entourant la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement

Pilier 1 : Établir une obligation pour les entreprises de prévenir et d’éviter les incidences négatives sur les droits humains

La Loi concernant le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises à l’étranger établirait une obligation pour les entreprises de prévenir les incidences négatives sur les droits humains et les dommages environnementaux à l’extérieur du Canada, soit par le biais de leurs propres activités ou du fait de leurs relations commerciales.

TEXTE LÉGISLATIF : Devoirs d’éviter, de prévenir et de remédier
Chaque entité a le devoir : (1) d’éviter de causer des incidences négatives sur les droits humains à l’extérieur du Canada par ses propres activités et par les activités de sociétés affiliées ; et de remédier à ces incidences lorsqu’elles se produisent ; ET (2) de prévenir des incidences négatives sur les droits humains à l’extérieur du Canada qui sont directement liées à ses activités, produits ou services par ses relations commerciales ; et de remédier à ces incidences lorsqu’elles se produisent.

En conséquence, les entreprises seraient tenues de s’assurer qu’elles-mêmes – et leurs sociétés affiliées (i.e. les filiales contrôlées) [Législation modèle, partie 2 “definitions”, sections 2 et 3] – évitent de causer des préjudices aux droits humains dans leurs activités à l’étranger. En outre, les entreprises seraient tenues de pren- dre des mesures pour éviter les incidences négatives sur les droits humains causées par leurs relations commerciales (i.e. leurs sous-traitants ou fournisseurs) ou dans lesquelles ces dernières ont une part. Elles seraient tenues de remédier à toute incidence négative qu’elles n’auraient pas réussi à éviter ou à prévenir.

En d’autres termes, une entreprise serait tenue de s’assurer de manière proactive qu’elle n’encourage pas les atteintes aux droits humains ou les dommages environnementaux dans ses chaînes d’approvisionnement, ni ne ferme les yeux sur les pratiques négligentes ou préjudiciables dans ses relations commerciales. Les entreprises ne pourraient plus se soustraire à leur responsabilité de respecter les droits humains en ayant recours à la sous- traitance, en opérant par l’intermédiaire de filiales ou en demeurant volontairement aveugles aux incidences sur les droits humains de leurs chaînes d’approvisionnement.

À quelles entreprises la loi s’appliquerait-elle ?

La Loi concernant le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises à l’étranger s’appliquerait : 1) aux entreprises domiciliées au Canada ; et 2) aux entreprises qui vendent des biens ou des services au Canada si elles ont également une présence physique au Canada. [Législation modèle, partie 4, section 1.]

Les Principes directeurs des Nations-Unies énoncent clairement que les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs ont la responsabilité de respecter les droits humains. Le projet de loi modèle n’établit pas de seuil concernant la taille. Il prévoit plutôt que la réglementation peut exempter certaines entreprises (en fonction des revenus, du nombre d’employés ou du secteur) de l’application de la loi et/ou de l’obligation de faire rapport annuellement. Cette approche, qui repose sur des seuils de taille spécifiques à des secteurs donnés plutôt que sur un seuil de taille unique, tient compte des particularités de l’économie canadienne (i.e. prédominantes dans le secteur mondial des industries extractives, les sociétés junior d’exploration minière sont souvent de petite taille, mais ont le potentiel de causer de sérieuses incidences négatives sur les droits humains) tout en reconnaissant qu’il serait raisonnable d’exempter les petites entreprises de certains secteurs à faible risque de l’application de la loi, en tout ou en partie.

Quels droits seraient protégés ?

Les droits humains sont étroitement liés, interdépendants et indivisibles. Par exemple, il est impossible de prévenir efficacement le travail forcé sans protéger également d’autres droits humains, comme le droit à la non-discrimination ou à s’organiser collectivement. La violation d’un droit contribue souvent à la violation d’un autre droit. En conséquence, la Loi concernant le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises à l’étranger ne se limite pas à un droit spécifique. La loi énonce la responsabilité des entreprises de respecter tous les droits humains. Ces droits sont définis dans la loi par des références aux instruments des droits de la personne internationalement reconnus. Il s’agit notamment des neuf principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, des huit principales conventions internationales du travail et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. [La liste compréhensive se trouve dans la partie 4, section 8 de la législation modèle.] La loi fait spécifiquement référence au droit de tout être humain à un environnement sain, sûr et durable.

Pilier 2 : Établir une obligation pour les entreprises d’élaborer, de mettre en œuvre et de rendre compte de procédures adéquates de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement

Le but de la diligence raisonnable en matière de droits humains est de prévenir et d’éviter les incidences négatives sur ces droits. La Loi concernant le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises à l’étranger obligerait les entreprises à élaborer et à mettre en œuvre des procédures adéquates de diligence raisonnable en matière de droits humains, à consulter les titulaires de droits dans l’élaboration et la mise en œuvre de ces procédures, et à faire rapport chaque année. Les entreprises seraient tenues de développer et mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable en ce qui concerne leurs propres activités, ainsi qu’en ce qui concerne celles de leurs sociétés affiliées et de leurs relations commerciales. [La définition de ‘relations commerciales’ se trouve dans la section 2 (3) de la législation modèle.]

QU’EST-CE QUE LA DILIGENCE RAISONNABLE DES ENTREPRISES EN MATIÈRE DE DROITS HUMAINS ?
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme décrit la diligence raisonnable en matière de droits humains comme « un moyen pour les entreprises de gérer de manière proactive les incidences négatives potentielles et réelles sur les droits de la personne dans lesquelles elles ont une part… La prévention des incidences négatives sur les êtres humains est le principal objectif de la diligence raisonnable en matière de droits humains. Elle concerne les risques pour les personnes, et non pas les risques pour les entreprises. Elle doit être en cours de façon permanente, car les risques pour les droits humains peuvent évoluer avec le temps ; et être informée par un engagement significatif avec les parties prenantes, en particulier avec les parties prenantes concernées, les défenseurs des droits humains, les syndicats et les organisations de base. Les risques pour les défenseurs des droits humains et autres voix critiques doivent être pris en considération. » (emphase ajoutées) [Traduction libre de l’anglais.][14]

La loi énumère les procédures minimales de diligence raisonnable qu’une entreprise est tenue d’entreprendre tout en faisant également référence aux directives détaillées en matière de diligence raisonnable qui ont été élaborées pour aider les entreprises à s’acquitter de leurs responsabilités. La loi prévoit que des directives supplémentaires peuvent être élaborées par le biais de règlements – tel en ce qui concerne les procédures de vérification ; les normes applicables à des secteurs spécifiques ou à des entités de taille particulière. La loi prévoit que les règlements seront soumis à l’examen d’un comité dans les deux chambres du Parlement.

EXTRAITS PERTINENTS DE LA LÉGISLATION MODÈLE
  1. Identifier et évaluer les incidences négatives réelles et potentielle
  2. Mettre fin et remédier aux incidences négatives existante
  3. Atténuer les risques d’incidences négative
  4. Assurer le suivi de la mise en œuvre et de l’efficacité des mesures adoptées pour remédier aux incidences négatives sur les droits humain
  5. Créer un mécanisme d’alerte interne pour avertir l’entreprise d’éventuels effets négatifs ou risques sur les droits humains
  6. Documenter les efforts de diligence raisonnable

Pilier 3: Garantir l’accès à des voies de recours et le respect des obligations entourant la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement

La législation établirait des conséquences significatives en cas de non-prévention des incidences négatives sur les droits humains et de non-application d’une diligence raisonnable adéquate. Cela aiderait également les communautés et les travailleurs touchés à accéder à des mesures de réparation efficaces devant les tribunaux canadiens.

La législation remplirait cette mission par le biais de deux mécanismes :

  1. la responsabilité civile pour les torts et/ou pour un manquement à l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable, et
  2. un commissaire ayant le pouvoir de forcer les entreprises à publier de rapports annuels de diligence raisonnable.

Si une entreprise, sa filiale, son sous-traitant ou son fournisseur cause une incidence négative grave sur les droits humains, l’entreprise pourrait être poursuivie devant un tribunal canadien. Le tribunal pourrait ordonner une injonction, le paiement de dommages-intérêts/ pertes, des dommages-intérêts punitifs, une réhabilitation ou une exécution spécifique, des frais de justice, ou une combinaison de ceux-ci. Les communautés touchées pourraient déposer une requête pour que l’entreprise ne soit pas éligible à l’avenir aux soutiens gouvernementaux ou pour que les soutiens existants soient retirés.

EXTRAIT PERTINENT DE LA LÉGISLATION MODÈLE
Manquement à l’obligation d’éviter, de prévenir et de remédier aux incidences négatives sur les droits humains
Toute personne qui a subi une perte ou un préjudice en raison d’un comportement qui contrevient à une disposition de la présente loi ou aux règlements peut intenter une action en réparation devant tout tribunal compétent.

Défense : une entreprise pourrait chercher à éviter une ordonnance du tribunal en établissant qu’elle a élaboré et mis en œuvre des procédures de diligence raisonnable efficaces pour prévenir les préjudices. La loi énonce les facteurs dont le tribunal doit tenir compte pour rendre cette décision. Ces facteurs inciteraient les entreprises à entreprendre des procédures de diligence raisonnable efficaces.

De plus, la législation prévoit que les parties intéressées – telles que les organisations de la société civile – peuvent intenter une action contre une entreprise devant un tribunal canadien si l’entreprise manque à son devoir d’élaborer et de mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable adéquates.

Enfin, la loi envisage la création d’un rôle de commissaire pour faire appliquer la publication des rapports annuels. Le Commissaire tiendrait à jour un site Web sur lequel seraient publiés ces rapports sur les « risques pour les droits humains ». Le Commissaire veillerait à ce que les rapports comprennent un contenu relatif à toutes les relations commerciales requises et sous toutes les rubriques requises. Les entreprises qui omettent de publier des rapports complets peuvent se voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 250 000 dollars. Les parties intéressées pourraient soumettre des commentaires sur ces rapports d’entreprise et demander leur publication sur le site Web du Commissaire.

Notes pour le Résumé exécutif

    1. https://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/topics-domaines/other-autre/csr-strat-rse.aspx?lang=fra
    2. ECCJ: https://corporatejustice.org/publications/comparative-table-due-diligence-proposals-europe/
    3. Législation modèle, partie 2 “definitions”, sections 2 et 3.
    4. Législation modèle, partie 4, section 1.
    5. La liste compréhensive se trouve dans la partie 4, section 8 de la législation modèle.
    6. La définition de ‘relations commerciales’ se trouve dans la section 2 (3) de la législation modèle.
    7. Traduction libre de l’anglais: https://www.ohchr.org/EN/Issues/Business/Pages/CorporateHRDueDiligence.aspx

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