Portail des membres    |

Sans pouvoirs d’investigation, l’organe de surveillance de l’industrie minière du gouvernement fédéral n’est pas efficace

Publié le 4 mars 2021 dans The Hill Times par Emily Dwyer, Directrice des politiques du RCRCE ; traduction vers le français par le RCRCE.

Alors que le Canada s'enlise dans l'inaction, d'autres économies avancées prennent les devants. L'Europe est en train de mettre en place une législation obligatoire en matière de droits humains sur la diligence raisonnable.

Le bilan du gouvernement du Canada en matière de droits humains et le secteur minier est, au mieux, un modèle d’inaction et, au pire, un acquiescement aux demandes de l’industrie minière.

Il y a trois ans, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il créerait le tout premier ombudsman pour les entreprises et les droits humains au monde, et s’est engagé à donner à l’ombudsman les pouvoirs nécessaires pour faire son travail. Il semblait que le Canada était en train de devenir un leader mondial en matière de droits humains.

La création d’un poste d’ombudsman était nécessaire et n’avait que trop tardé. Les sociétés minières canadiennes opérant à l’étranger ont été associées à de nombreuses violations des droits humains, y compris des allégations de travail forcé, de viol et de meurtre. Le Canada, en particulier, se devait d’agir compte tenu de sa position dominante dans le secteur minier mondial et du soutien permanent que le gouvernement apporte à cette industrie.

Mais au lieu de doter L’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) des pouvoirs nécessaires pour faire son travail, le gouvernement a traîné les pieds et a choisi de commander un examen juridique — le Rapport McIsaac — afin d’examiner comment donner au médiateur les pouvoirs qu’il avait promis.

En fait, le gouvernement a créé un poste sans pouvoir – un ombudsman qui n’a d’ombudsman que le nom. Sans pouvoir d’ordonner la production de documents et d’obliger les témoins à déposer sous serment, l’OCRE est un poste inefficace semblable aux autres mécanismes édentés qui l’ont précédé.

Qu’en est-il de l’examen juridique ? Le gouvernement du Canada semble ignorer et dissimuler les conseils juridiques de ses propres experts. Le gouvernement dispose du rapport McIsaac depuis plus d’un an et demi et n’a pas donné suite aux conclusions du rapport, ni même rendu le rapport public.

Toutefois, une copie du rapport a récemment fait l’objet d’une fuite. En ce qui concerne la manière de doter l’OCRE de pouvoirs, le rapport McIsaac conclut que l’OCRE peut se voir accorder les pouvoirs nécessaires à l’accomplissement de sa mission par le biais de la loi sur les enquêtes ou d’une législation distincte. Le rapport indique également clairement que, sans ces pouvoirs, « l’efficacité du CORE pourrait être compromise ». En effet, « son efficacité dépendra de la coopération du plaignant et de l’entité faisant l’objet de l’enquête ».

En d’autres termes, sans pouvoirs d’enquête, il ne nous reste plus qu’à espérer que les sociétés minières feront volontairement ce qu’il faut. Toutefois, les mesures volontaires visant à obliger les entreprises puissantes à rendre compte de leurs actes ne fonctionnent pas. Des entreprises canadiennes travaillant dans des pays allant des Philippines au Guatemala ont été associées à des allégations de contamination permanente des terres et de l’eau, de démolition de maisons et de viols collectifs, parfois utilisés comme tactique pour déplacer de force des populations afin de faire de la place pour les opérations des entreprises minières. En ne donnant pas suite à ses propres conseils juridiques, le gouvernement fédéral a cédé à la pression de l’industrie et permet à des pratiques minières flagrantes de se poursuivre sans contrôle.

Début 2021, l’OCRE devrait enfin ouvrir ses portes pour recevoir des plaintes. Le gouvernement doit doter l’OCRE de pouvoirs lui permettant d’enquêter sur les violations des droits humains. Dans le cas contraire, les personnes et les communautés lésées par les entreprises canadiennes continueront à n’avoir nulle part où demander de l’aide, et le Canada pourrait se rendre complice des abus commis par les entreprises.

En ne respectant pas ses propres engagements en matière de droits humains et en refusant de donner suite à ses propres conseils juridiques pour doter l’OCRE de pouvoirs réels, le Canada démontre qu’il n’est pas le leader mondial en matière de droits humains qu’il prétend être. Alors que le Canada s’enlise dans l’inaction, d’autres économies avancées prennent le relais. L’Europe est en train de mettre en place une législation contraignante sur la diligence raisonnable en matière de droits humains, qui exigerait des entreprises qu’elles identifient, préviennent, atténuent et réparent les risques liés aux droits humains tout au long de leurs opérations et chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale.

Confronté à un choix clair  être un leader dans le domaine des affaires et des droits humains ou acquiescer aux demandes de l’industrie minière  le Canada a pris la mauvaise décision. Pour s’assurer que les violations des droits humains sont effectivement traitées et pour éviter que le Canada ne prenne encore plus de retard en matière de droits humains, L’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises doit être doté des pouvoirs dont il a besoin pour faire son travail.

Articles connexes

Retour en haut