Les élections ont été déclenchées, le Parlement est dissous et le Canada n’a toujours pas d’ombudsman indépendant ayant le pouvoir de contraindre les documents et les témoignages nécessaires pour enquêter efficacement sur les allégations d’atteintes aux droits de la personne liées aux activités mondiales des sociétés canadiennes.
L’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) ne peut être transformé en un bureau indépendant, ni se voir octroyer les pouvoirs d’enquête dont il a besoin, sans un nouveau décret en vertu de la Loi sur les enquêtes ou l’adoption d’une nouvelle loi. Aucune de ces options n’est possible en période électorale.
Les communautés et les travailleurs touchés doivent donc attendre de voir si le prochain gouvernement tiendra la promesse tant attendue de créer un bureau efficace pour lutter contre les abus dont ils ont été victimes.
Quelques jours à peine avant le déclenchement des élections, de légères modifications ont été apportées au décret de l’OCRE:
- Une clause largement critiquée dans le décret initial de l’OCRE: la section 4 (d), qui permettait aux entreprises de porter plainte contre les défenseurs des droits de la personne, les communautés touchées et les organisations non gouvernementales, a été supprimée.
- Le décret mis à jour élargit la définition auparavant très étroite des entreprises pouvant faire l’objet d’un examen de la part de l’OCRE (en supprimant une partie du libellé limitant les entreprises considérées comme «contrôlées» par une entreprise canadienne). Le nouveau libellé est vague, de sorte qu’il n’est pas encore clair quelles entreprises seront incluses. Ce qui est clair, c’est que les entreprises qui peuvent avoir des liens importants avec le Canada (telles que celles cotées sur des bourses canadiennes et celles financées par Exportation et développement Canada), mais qui ne sont pas créées ou incorporées ici, sont toujours exclues de la compétence de l’OCRE.
- Le gouvernement du Canada s’est engagé à mandater l’OCRE de formuler des recommandations d’ordre général, dirigées au gouvernement notamment en matière de politiques de responsabilisation des entreprises et de réforme du droit. Le décret révisé impose de nouvelles restrictions à ce mandat.
- Limites sur les recommandations portant sur la réparation? Lors de la précédente itération, il était clair (avec l’inclusion des mots “mais sans s’y limiter”) que la liste des recommandations possibles que l’OCRE pouvait formuler n’était pas exhaustive. Malheureusement, ces mots ne figurent plus dans la version mise à jour et, par conséquent, le pouvoir discrétionnaire de l’OCRE de faire des recommandations en matière de réparation au-delà de celles explicitement énumérées est maintenant remis en question.
- Limites de la portée des recommandations au gouvernement? Un nouvel article a été ajouté au décret afin de permettre à l’OCRE de faire des recommandations au ministre concernant les services gouvernementaux fournis aux entreprises. Cela est loin de ce qui avait été promis: un mandat lui permettant d’adresser au gouvernement des recommandations d’ordre plus générales par rapport aux réformes de la loi et des politiques jugées nécessaires au respect des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne à l’égard du comportement des entreprises à l’étranger.
Aucune de ces modifications ne résout le fait que l’OCRE n’est pas indépendant. L’OCRE et son personnel actuel et futur ont été nommés à titre de fonctionnaires et relèvent du ministre de la Diversification du commerce international.
Ces changements ne résolvent en rien le fait que l’OCRE n’ait pas le mandat ni les pouvoirs nécessaires pour s’acquitter de sa fonction essentielle: les enquêtes indépendantes. Ils ne contribuent en rien à la tenue des promesses faites par le gouvernement du Canada.
La société civile et les communautés touchées à travers le monde attendent toujours que le Canada mette en place des mécanismes efficaces de responsabilisation des entreprises afin de garantir que les entreprises respectent les droits de la personne dans le cadre de leurs opérations mondiales et que les personnes affectées aient accès à un recours au Canada. Nous n’avons aucunement l’intention de demeurer silencieux durant cette période d’attente.